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Du rififi chez les grandes oreilles

Article publié sur Dalloz Actualités le 4 février 2020 en collaboration avec Me Clarisse SERRE




La démocratisation de l’offre mobile et des smartphones depuis une vingtaine d’années a conduit à une révolution des techniques d’enquête, rendant incontournables les interceptions téléphoniques et de correspondances émises par la voie électronique dans la procédure pénale. Outre les écoutes, ces interceptions judiciaires concernent également les SMS, courriels, relevés détaillés des appels téléphoniques (les « fadet »), sonorisations et données de géolocalisation.


L’État a longtemps délégué cette mission d’interception à des prestataires privés (Elektron, Azur Integration, Foretec, Midi System, Amecs ou SGME), dont le rôle était de fournir le matériel nécessaire aux enquêteurs et de les aider à l’utiliser. Les lacunes de ce système étaient évidentes : hétérogénéité des pratiques selon les prestataires, risques en termes de confidentialité des données et de garantie du secret de l’instruction, coûts importants pour les finances publiques (les interceptions ont coûté environ 122,55 millions d’euros à l’État en 2015 selon un rapport de la Cour des comptes de 2016).


Pensée dès 2005 pour résoudre ces difficultés, la Plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) devait être la solution miracle pour rationaliser et centraliser le recours aux interceptions au sein d’une plateforme unique, renforcer la sécurité et la traçabilité de ces mesures, replacer les magistrats au cœur de leur mission de direction et de contrôle d’enquête et permettre des économies budgétaires substantielles.


Quinze ans plus tard, force est de constater que la plateforme n’est toujours pas pleinement opérationnelle et est constamment l’objet de critiques, que ce soit pour dénoncer le coût exorbitant de sa mise en place, les innombrables bugs et dysfonctionnements ou les risques en termes de sécurité et de protection des données privées. Dans un avis du 25 avril 2016, la Cour des comptes pointait que la PNIJ devait initialement coûter 17 millions d’euros pour une mise en service courant 2008. Elle ne le sera finalement qu’en 2015, pour un coût dix fois supérieur de 102,7 millions d’euros et ne sera pleinement opérationnelle qu’à l’horizon 2024 pour un coût final de 385 millions d’euros !


Alors même que la PNIJ dispose de ressources et d’une puissance considérable pour pénétrer dans la vie privée des individus, peu de renseignements sont disponibles sur son fonctionnement concret, les modalités d’accès, de conservation et d’exploitation des données recueillies.


Si cette plateforme a été pensée pour faciliter le travail des enquêteurs et des magistrats, elle ne l’a manifestement pas été pour l’exercice des droits de la défense.

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